Joker - Folie à Deux : la critique
Peut-être avez-vous lu ou entendu, ici ou là, des avis mitigés concernant ce Joker : Folie à Deux. Pour ma part, autant vous dire tout de suite que je l’ai trouvé à la hauteur du premier film.
L’intrigue prend sa suite directe. Arthur est incarcéré, dans l’attente de son jugement. C’est en prison qu’il va faire la rencontre, par un concours de circonstances, d’une autre détenue. Il s’agit bien sûr d’Harley Quinn.
Sur le fond, Folie à Deux parvient à surprendre (dès son intro... étonnante), car cette histoire n’est pas tout à fait celle à laquelle on s’attendait. Dans cette espèce de Silence des Agneaux sauce DC, Harley semble en effet davantage influencer Arthur que l’inverse. La conclusion nous apportera un semblant d’explication à cette drôle de relation, qui ne relève finalement pas de l’origin story. Qui manipule qui ?
Todd Phillips reste un esthète et, sur la forme, Folie à Deux s’avère aussi beau dans sa photo sinistre que Joker. Joaquim Phoenix renouvèle sa performance, paré d’une maigreur affolante, et Lady Gaga n’est pas en reste, dans son rôle de groupie psychotique. Sa maîtrise du chant et de la danse apporte un plus aux délires fantasmés d'Arthur, qui donnent lieu à de jolies séquences de comédie musicale.
Ce concept s’impose d'ailleurs assez naturellement car bien amené, par petites touches. Quelques notes de musique, des personnages qui chantonnent... avant de passer à des shows hauts en couleur. On comprend toutefois assez vite que tout ce barnum ne se passe que dans la tête d’Arthur, afin d’échapper à l’enfer de l’univers carcéral.
Le film s'oriente dans sa deuxième partie vers un genre très américain : le film de procès. L'enjeu consiste à savoir si Arthur est responsable de ses actes. On l'aurait espéré un peu plus fou, avec un Joker prenant le pouvoir et dézingant tout le tribunal, mais au final il sert surtout de prétexte à une relecture du premier film via ses témoins. Le soufflet retombe, le Joker se dégonfle comme un ballon de baudruche.
MÉGA SPOILER
Dans la conclusion de Folie à Deux, Todd Philips nous confirme qu’il n’a jamais eu l’intention de raconter les origines du Joker. Il souhaitait en réalité aborder la question des problèmes mentaux et de l’absence d’empathie dans nos sociétés modernes, à la façon d’un Martin Scorsese.
Dans la dernière scène, nous voyons ainsi un détenu suriner Arthur. Ce jeune homme à l’air juvénile nous est montré via quelques plans durant le métrage, toujours souriant, visiblement fasciné par Arthur. Il finit par se tailler un sourire sur le visage, dans le flou de l'arrière-plan après avoir "tué le père", qui agonise au premier plan.
Arthur n’est donc pas le véritable Joker. Il renonce d’ailleurs à sa double personnalité en plein procès, au grand dam d’Harley. Celle-ci n’était finalement qu’un alibi à sa vengeance sur une société qui l’a martyrisé.
Le vrai Joker est, lui, un réel psychopathe. Son jeune âge laisse à penser qu’il s’agit bien de la némésis qu’affrontera Bruce Wayne, encore enfant, plus cohérent qu’un Joker quarantenaire. Un authentique fou influencé par un mentor, donc. L'apparition d'un Harvey Dent, alors substitut du procureur, très jeune également, accrédite cette thèse. Les verra-t-on dans le prochain The Batman ? Le film se déroulant de nos jours, et Joker dans les années 80, ce serait étonnant. Notons d'ailleurs que la chronologie des films Batman est assez chaotique.
Folie à Deux apparaît finalement comme un travail de déstructuration, de déconstruction du premier film, un peu comme l’a été Matrix : Resurrections avec la trilogie, ou la dernière saison de X-Files. La boucle est tristement bouclée, et laisse à penser que nous avons assisté à un théâtre de faux semblants. Cela ne plaira pas à tout le monde, sûrement pas aux fans de DC. Après s'être identifiés à Arthur, sans doute espéraient-ils voir le Joker s'affirmer et semer le chaos dans Gotham comme l'Épouvantail dans Batman Begins. Au lieu de ça, Arthur retourne à la case départ, et son histoire finit comme elle devait se terminer : mal. Un peu comme lorsque Lana Wachowski nous montre Néo dans un miroir, pour dévoiler un geek bedonnant perdant ses cheveux. Voilà qui nous renvoie à la réalité, et ça fait mal.
Todd Philips nous aura finalement adressé un joli pied de nez en nous amenant sur une mauvaise piste, comme l'aurait fait le Joker. Au fond, il adresse une douche froide à tous ceux qui ont vu dans le Joker un héros, un révolutionnaire prêt à déboulonner le système. Il n’y a pas de Joker, juste un malade mental produit par une société inhumaine dénuée d'empathie, et le système restera tel qu’il est, et il y aura d'autres Arthur. Décidément, je ne peux m’empêcher de repenser à Matrix : Resurrections...