Je dois l'avouer, j'ai toujours eu un faible pour la saga Largo Winch. L'air de rien, cette BD mainstream est parvenue à rendre sympathique un milliardaire en prenant pour toile de fond le monde des affaires. PDG rebelle au grand cœur, Largo s'applique à lutter de l'intérieur contre les méthodes inhumaines en pratique dans les multinationales. En sus de ce contexte original, la série de Jean Van Hamme et Philippe Francq a toujours réussi à surprendre par l'exploitation de thèmes actuels, mais aussi sur la forme avec ses incursions sur le terrain du sexe et de la violence (mention spéciale aux trachouillets Golden Gate et Shadow, consacrés au snuff movies !).
Et donc, où nous emmène aujourd'hui ce vingt-troisième Largo Winch, avec son titre énigmatique, sa couverture blanche, et son Largo en position fœtale dans un trip façon 2001 Odyssée de l'Espace ? Logiquement, cet album prolonge une formule qui fonctionne du tonnerre (Largo Winch est l'une des BD adulte franco-belges les plus vendues au monde) sur le principe "deux tomes pour une histoire indépendante", et l'exploitation d'un thème actuel faisant la une des médias.
Mieux vaut tard que jamais, Largo décide de mettre le nez dans l'exploitation des enfants au sein de son groupe, investit dans les nouvelles technologies, est moqué par la nouvelle génération (eh oui, il prend de l'âge !) et, tout naturellement, s'intéresse au business de l'espace. Fort astucieusement, Eric Giacometti (qui succède à Van Hamme depuis le tome 21) surfe sur l'air du temps en s'inspirant des exploits spatiaux d'Ellon Musk, de façon plus subtile que les traitements idéologiques lourdingues des derniers Astérix et Lucky Luke (un avis totalement subjectif). Car Largo reste avant tout un businessman !
Pour conclure sur un point de vue tout à fait personnel... Sur la forme, dans la tradition de la série, le scénariste s'amuse à choquer le bourgeois avec des thèmes qui peuvent faire sourire aujourd'hui (couples libres, lesbianisme...) mais qui font tout le charme d'une série pensée dès son origine comme politiquement incorrecte. Pour couper court aux questionnements : oui, il y a toujours autant de femmes dévêtues ou nues au fil des pages, de façon totalement injustifiée et gratuite. Pour notre plus grand plaisir Philippe Francq sembler se contreficher des nouvelles injonctions morales en vigueur dans la culture populaire. Un argument de plus pour une BD définitivement (cul)te.