Le Livre de Boba Fett : le bilan de mi-saison
Après quatre épisodes, l'heure est au bilan, et si tout n'est pas totalement à jeter celui-ci est plutôt mi-figue mi-raisin. Attention, ça va spoiler. Passé un rite initiatique chez les Tusken façon Danse avec les Loups, plutôt bien traité, il faut le dire, la série nous a surpris par ses parti-pris consensuels. Boba est compatissant, Boba adopte un Rancor et le caresse comme un bon gros toutou, Boba aide des jeunes désœuvrés, Boba libère un ennemi qui a tenté de le tuer, Boba est défiguré, mais pas tellement et pas trop longtemps quand même Bref : Boba s'est ramolli.
Là où the Mandalorian surprenait par son approche sans concession (le héros était un tueur assumé), LLDBF ressemble de plus en plus à... une production Disney, comme si the Mandalorian apparaissait comme un OVNI dans la continuité des nouvelles productions Star Wars. Un massacre des Tusken ou un bras arraché par un wookie hors-champ n'y changeront rien : l'ensemble paraît bien fade, et on ne peut qu'approuver Fennec lorsqu'elle reproche à Boba de s'être adouci lors de son passage chez les Tusken. La moindre amorce de violence (la vengeance des jumeaux hutt, la chute dans le repaire du Rancor...) est aussitôt désamorcée par la volonté de Fett de calmer le jeu. Surprenant, dans la mesure où sa première action fut de dézinguer un Bib Fortuna désarmé sur son trône pour prendre sa place.
L'un ne va pas sans l'autre, et on sera d'accord : Star Wars n'a jamais été axé sur le bas de la ceinture. Néanmoins, la série nous a été vendue comme une histoire de gangsters, et il s'agirait d'assumer. Il semble ainsi étrange de ne pas exploiter - ne serait-ce qu'une certaine tension sexuelle - entre deux personnages individualistes amenés à briser une vie de solitude en passant le plus clair de leur temps ensemble. On pourrait citer en exemple X-Files, où la tension sexuelle entre Mulder et Scully est palpable, et apporte un plus à la série. Surtout dans la mesure où l'intrigue semble flirter avec un rapprochement physique (Boba porte Fennec dans ses bras, apparaît devant elle en slip kangourou...) sans jamais oser franchir le seuil, là où Han Solo n'hésitait pas à dragouiller Leïa durant toute une trilogie. Certes, la série affiche une certaine volonté d'aller sur ce terrain (le casino de Garsa Fwip et ses Twi'lek aux allures d'escorts) mais, tout comme pour sa violence timide, ne s'aventure jamais trop loin dans ces eaux troubles.
Peut-être faudra-t-il chercher les causes de ce traitement chez le schizophrénique Robert Rodriguez, producteur exécutif et réalisateur de plusieurs épisodes. Le tournant mainstream est d'ailleurs confirmé dans le troisième épisode qu'il a lui-même réalisé, où l'on assistait médusés à une poursuite au ralenti entre des cyber-kids façon Inspecteur Gadget montés sur des vespas aux couleurs des Power Rangers. La ressemblance avec son Battle Angle Alita, où une ville-déchetterie devenait un parc d'attraction aux couleurs criardes, est d'ailleurs frappante, et je ne parlerai même pas des points communs avec son Spy Kids 3D. On aurait préféré retrouver le réalisateur de Desperado et Sin City avec son univers sombre et décadent.
Pour finir, relevons les derniers défauts de la série, mais aussi ses atouts indéniables. Adepte du fan-service à tous les étages, LLDBF multiplie les apparitions de figures connues pour cacher la misère d'une intrigue visant à boucher les trous de la vie post-Retour du Jedi de Boba Fett. Souvent sympathiques, ces apparitions frôlent parfois la saturation. J'éviterai par ailleurs de relever quelques incohérences, la plus incroyable apparaissant dans le quatrième épisode. Boba et Fennec y prennent tous les risques pour pénétrer dans la gueule du Sarlaac afin d'y récupérer l'armure de Fett. Celui-ci a visiblement oublié qu'il la portait encore en s'extrayant de l'estomac de la créature. Un black-out dû au trauma, me direz-vous, si ce n'est qu'il a survécu aux sucs digestifs du Sarlaac uniquement grâce à elle. Difficile, donc, d'oublier qu'il la portait alors !
Notons tout de même une excellent second épisode, et sa fameuse attaque de train menée à cent à l'heure. Contrairement à la poursuite molle de l'épisode suivant, la mise en scène nous fait alors ressentir la vitesse et le danger ressentis par les Tusken, à la manière d'une attaque de western. Quel dommage que le reste ne soit pas à l'avenant ! La série se débarrasse d'ailleurs un peu vite des nomades du désert, dans l'intention louable de faire avancer l'histoire parallèle relatée par les flash-backs. Hélas, sans vouloir être méchant, celle-ci s'avérait souvent plus intéressante que l'intrigue présente. Désormais, les souvenirs de Boba semblent avoir rejoint sa vie actuelle via la rencontre avec Fennec, afin d'aborder la deuxième partie de la saison sur un seul fil chronologique. Reste à espérer qu'elle parvienne à se renouveler avec l'apparition d'ores et déjà annoncée du Mandalorien, grâce au thème de son générique.