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Balades Cosmiques

Death Stranding - Premières impressions à chaud

9 Novembre 2019, 01:00am

Publié par Norrin Radd

Death Stranding - Premières impressions à chaud

     Quelle étrange expérience que ce Death Stranding... Dès les premières minutes, une curieuse impression vous saisit les tripes à la découverte de son univers contemplatif et mélancolique, pour ne jamais vous quitter. De mémoire, je n’avais pas ressenti ce sentiment de désolation, d’isolement et de solitude dans un jeu vidéo depuis Half Life 2, à quelques différences près : DS propose un monde ouvert, non linéaire, et il ne s’agit pas de se battre. Non, ici, vous aurez « simplement » à livrer un colis d’un point A vers un point B.

 

     Oui, vous avez bien lu. Le papa de Metal Gear base tout le concept de son nouveau jeu énigmatique attendu comme le messie sur une espèce de facteur Fedex, ou de livreur Uber Eats si vous préférez, le vélo en moins. Après s’être fait virer de Konami (on peut d’ailleurs deviner quelques références en sous-texte à cette mésaventure), libre d’imaginer un nouveau concept original, Kojima réalise ainsi un jeu très personnel, très déroutant, qui ressemble aussi bien à un cauchemar éveillé qu’à l'utopie d'un monde meilleur, fondé sur de nouvelles bases.

 

     Car DS est un post-apo, sans la moindre ambiguïté. La fin du monde nous est décrite dès le début, dans une longue cinématique (elles dépassent souvent les vingt minutes !). Le seul moyen de rebâtir la civilisation consiste à connecter les communautés de survivants. C’est là tout le génie de Kojima : établir un parallèle entre Internet, les réseaux sociaux ou les jeux en réseau, avec cette idée que la survie de l’espèce humaine doit passer par un travail collectif, international et fraternel, où les nouvelles technologies sont utilisées comme un outil de progrès. Dans les faits, son idéal peut sans doute être qualifié de naïf, Internet étant davantage utilisé pour le porno ou pour publier des photos de plats de nouilles au resto, mais il ne s’agit-là que de mon humble avis :-) Reconnaissons toutefois que Kojima se permet quelques critiques de l'usage détourné d'Internet (les voleurs de marchandises sont surnommés... les Mules !).

 

     Bref, DS a donc un propos intelligent, mais sur la forme ? Eh bien comme à son habitude, le maître allie la forme au fond de manière viscérale. Car vous vous en doutez bien, il ne s’agit pas seulement de livrer un colis. Vous incarnez « Sam Porter » et bossez pour « Bridges » (notez la subtilité), qui emprunte ses traits à Norman Reedus (The Walking Dead), une légende de la livraison. En fonction des missions, vous serez souvent impliqué émotionnellement, et constamment conscient de votre statut de « messager de la vie et de la mort », via le bébé qui vous protège (vous comprendrez en jouant), ou par exemple en transportant des cadavres.

 

     Ensuite, pour parler « technique », absolument tous les facteurs de votre environnement – sublime paysage montagneux en rendu photoréaliste – sont pris en compte. Si vous êtes chargé comme une mule, si vous marchez sur une pente, sur l’herbe, sur un caillou, dans une rivière... Votre barre de fatigue ne diminuera pas de la même façon, et vous risquez d’être déséquilibré. Mais ça ne s’arrête pas là. Avec le jeu en ligne, DS applique concrètement son propos car les joueurs du monde entier peuvent s’entraider, en déposant ça et là des indices, des outils pour franchir une crevasse, etc. et je ne vous parle même pas de votre bébé qu'il faudra bercer en remuant la manette.

 

     Que dire de plus... Je n’en suis encore qu’au début, et le seul bémol que je pourrais apporter concerne – c’est un défaut récurrent chez Kojima – la longueur des cinématiques. Elles peuvent durer facilement une demi-heure, et les premiers temps on ne joue pas beaucoup à vrai dire. Elles permettent toutefois d’exposer l’univers et le propos, assez riches pour mériter une explication digne de ce nom en commencement d’aventure. À côté de ça, certains plans sont démentiels. On a l’impression d’être dans un cauchemar fiévreux, où l’on retrouve parfois quelques références à Hiroshima ou à Tchernobyl. Toutes les scènes liées aux « Échoués » sont terrifiantes, et je pèse mes mots. Quand on les rencontre lors des séquences « in game », je vous assure qu’on ne fait pas le malin. En voyant cela, on regrettera d'autant plus que Kojima ne soit plus associé au projet du prochain Silent Hill...

 

     Au passage, il est assez « amusant » de constater qu’un certain cinéma, celui de Marvel ou Disney pour ne pas les citer, se rapproche de plus en plus du jeu vidéo « old school » dans ses parti-pris scénaristiques et visuels, alors qu’au contraire, le JV est entré depuis un moment dans sa « phase de maturité » avec une progression lente et contemplative (God of War IV, Red Dead Redemption II...) et des cinématiques dignes des meilleures productions.

 

     En résumé, DS est un jeu, lâchons le mot, hypnotique. Vous êtes là, avec votre matos chargé sur le dos, tout seul dans la pampa, à essayer de trouver un chemin, sans perdre l’équilibre et tâchant de ne pas endommager la cargaison. Pas d’ennemi à affronter, pas de PNJ, pas de quête secondaire, pas d’animaux à tuer pour manger ou de plantes à récolter pour concocter une potion. Non, juste un colis à livrer. Et plus rien d'autre n’existe, vous avez envie de le livrer, cette saloperie de colis !

 

     Voilà, je ne peux pas trop en dire plus, car certaines séquences vont vous souffler sur place : on ne sait pas trop bien ce qui arrive, où on est, ce qu’on doit faire... Et l’implication est tellement totale que l’on en vient à oublier que l’on est devant un écran. Je ne m’avancerai pas trop en affirmant que c’est exactement ce que Kojima souhaitait.

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