Ça - La critique
Pour être honnête, je ne pensais pas qu’il était possible, en 2017, de voir débarquer sur nos écrans un film comme Ça, dans tous les sens du terme. Cela pour plusieurs raisons.
Mais commençons par le début. Ça est l’adaptation d’un roman de Stephen King qui abordait plusieurs thématiques de l’enfance et la métaphore de la pédophilie via la figure du croque-mitaine, incarné sous la forme d’un clown. Car, comme chacun sait, tout le monde a peur des clowns. L’histoire se déroulait dans le Maine, territoire de prédilection de l’auteur, à la fin des années cinquante.
Véritable chef-d’œuvre, Ça réussissait l’exploit de raconter en parallèle le combat d’une bande d’enfants et celui du même groupe, devenu adulte, contre cette menace commune. Mais aussi et surtout de livrer un récit extrêmement juste, crédible et émouvant dans sa description de l’enfance, ou chacun pouvait se retrouver (surtout si vous en avez bavé).
Ça, le film, prend le parti de la fidélité en situant son action dans les décors naturels du Maine, mais dans les années quatre-vingt. Un pari audacieux car cela n’a l’air de rien, comme ça, mais le jeune public attiré par les films d’horreur habitué à Saw et The Walking Dead n’est pas forcément familier des eighties et de ses téléphones à cadran (la reconstitution est étonnante de réalisme). Ce choix laisse à penser que la suite se déroulera de nos jours, étant donné le décalage entre les deux histoires du livre.
Mais ce n’est pas tout : non content d’opter pour cet environnement, le film semble également avoir été tourné à la manière des années quatre-vingt quand il prend le temps d’exposer son contexte, ses personnages, de composer ses cadres… À l’heure des montages ultra-cut, il y a de quoi être surpris par ce radicalisme…
Autre choix frappé de bon sens : dans son refus de condenser le pavé de King, afin de s'offrir le luxe de développer son intrigue et ses thèmes, contrairement à La Tour Sombre, le film se concentre sur les chapitres dédiés aux enfants en gardant pour la suite ceux concernant les adultes. Nous découvrons au rythme du livre les portraits respectifs de ces petits losers, instantanément sympathiques et attachants (le casting est parfait), dignes des « films de gamins » des années quatre-vingt (E.T., Les Goonies…), et qui ne tarderont pas à constituer la fameuse « bande des ratés » à laquelle on s'identifiera aisément.
Ça est donc un film à l’ancienne, old school, qui s’assume, avec son casting de tronches réalistes issues de l'Amérique profonde, et c’est très bien comme ça. Mais il n’oublie pas pour autant d’être un véritable film d’horreur, en s’aventurant sur les terres de la saga des Freddy (on peut apercevoir une affiche du film en clin-d'oeil) de par son jusqu’au-boutisme malsain. Le film se permet d’aller extrêmement loin à ce niveau, en touchant au tabou hollywoodien ultime : la maltraitance des enfants.
Attendez-vous à être réellement effrayé et choqué car, contrairement à la plupart des films d’horreur à la mode des années deux-mille où les effets tombent systématiquement à plat, ici chaque instant de tension fait mouche en parvenant à jouer avec les racines de la peur aussi intelligemment que la saga Silent Hill avait su le faire dans le domaine vidéo-ludique, qui plus est avec de simples "trucs" de mise en scène et une économie d'effets numériques.
Bref, il va me falloir encore un peu de temps pour m’en remettre, mais Stephen King peut être fier : rarement une adaptation de son œuvre (et pourtant elles sont nombreuses) aura su à ce point capter et retranscrire son essence.