Voici donc le nouvel album de Lucky Luke acheté, promis juré, dans une librairie juste avant le confinement. Il est ici question de la ségrégation raciale, un sujet d’actualité assez lourd jamais traité, et on le comprend, dans la BD. Toutefois, un cow-boy sur quatre était noir, fait relativement peu retranscrit dans les westerns, si ce n’est ceux de Sergio Léone. Le thème, en plus de résonner avec le mouvement Black Lives Matters, est donc cohérent et pertinent.
Commençons par les sujets qui fâchent. Pourquoi cet horrible coton numérique en couverture ? Celui-ci tranche avec le trait du dessin, et ce choix paresseux est d’autant moins compréhensible que, dans les planches, les champs de coton sont soigneusement dessinés. Mais passons sur ce détail. Bass Reeves, chasseur de primes noir (un personnage historique), est introduit dès la première page. Lucky Luke le connaît déjà, et se montre très amical envers lui. C’est une opinion tout à fait personnelle, peut-être biaisée par mes habitudes de scénariste, mais j’aurais préféré une approche un peu moins « bisounours ». Après tout, Lucky Luke reste un homme de son temps, avec ses préjugés, et il aurait été logique que, sans pour autant être raciste, il garde une certaine distance avec Reeves. L’a-t-on déjà vu avoir pour ami un Mexicain, un Chinois ou un Indien ? Cette approche aurait permis de le voir évoluer dans ses certitudes, en faisant équipe avec un homme noir. Par ailleurs, le rôle de Reeves reste très anecdotique, et il intervient un peu comme un joker.
Pour le reste, les points positifs, l’intrigue n’élude en rien son sujet. On est même surpris de la violence des propos tenus par les Sudistes, et par l’intervention du Ku Klux Klan. On est pas là pour rigoler, et tout cela est très sérieux. Peut-être un peu trop ? Je n’ai pas beaucoup souri à la lecture, même si Lucky Luke n’a jamais été une BD à gags omniprésents, mais en revanche j’ai parfois été mal à l’aise, notamment lors de dialogues où il est question de lynchages et de pendaisons, dans une BD pour enfants...
Au final, Un Cow-boy dans le Coton ressemble plus à un programme pédagogique commandé par le Ministère de l’Éducation qu’à un divertissement. La BD franco-belge a toujours su traiter subtilement des thèmes adultes (cf. Le Schtroumpfissime avec la dictature) et cela semble devenir une tendance (cf. Astérix chez les Pictes avec les migrants, ou La Fille de Vercingétorix avec le féminisme...), mais ne le fait-elle pas désormais trop frontalement en oubliant au passage son rôle de divertissement ?